Sous le Second Empire (1852-1870), un jeune chômeur, Etienne Lantier, se fait embaucher aux mines de Montsou, dans le nord de la France. Il fait la connaissance d’une famille de mineurs, les Maheu, et il tombe amoureux de leur fille Catherine. Etienne est révolté par les misérables conditions de vie des mineurs exploités par le capitalisme et dont le quotidien est rythmé par les éboulements, le grisou, la tuberculose... Seule la mort serait libératrice face à la souffrance ?
Quand la Compagnie des mines décide de baisser les salaires, Etienne s'engage dans le combat socialiste. Rêvant d'une société plus juste, il propage des idées révolutionnaires et pousse les mineurs à la grève même si elle doit être affameuse et aux résultats incertains. L’armée intervient, et les mineurs se résignent à reprendre le travail. Le feu de l’espoir qu’attendaient les ouvriers n’a fait que de brèves étincelles. Etienne part pour Paris. Ses illusions perdues, mais le cœur plein d'espoir, il sait qu'un jour viendra où la force ouvrière, encore en germination, s'organisera pour venir à bout des injustices.
Le film de Berri, tiré bien sûr du roman éponyme de Zola (paru en 1885), nous fait revivre tout ce qui fait le quotidien de ce monde de mineurs ; la lutte des classes, ici les ouvriers mineurs et la bourgeoisie industrielle (la philosophie de Marx est d’ailleurs mentionnée dans le film), le soulèvement et la colère, la crise économique, la grande industrie, la violence sociale, la misère et la faim, mais aussi l’amour... Le film nous propose un tableau des conséquences sociales de la révolution industrielle dans le nord de la France. C’est d’ailleurs dans ce même nord qu’eut lieu la fermeture du dernier puits d'extraction de charbon, le 21 décembre 1990, soit plus d’un siècle après les faits racontés ici.
L’œuvre de Zola et le film de Claude Berri, littéraire et cinématographique, peuvent être considérés comme des témoignages historiques. Pourquoi ce roman, à fortiori à travers l’une de ses adaptations au cinéma (Germinal a déjà été porté à l’écran en 1962 par Yves Allegret), a-t-il connu le succès et suscite -t-il encore aujourd'hui la même admiration et provoque-t-il la même émotion qu'il y a un siècle ? Oeuvre romanesque, « réaliste », « politique », « naturaliste », Germinal étonne toujours par sa force symbolique. Zola, en effet, ne présente pas seulement un univers (celui des mineurs), ni les antagonismes de classes, (celle des bourgeois et celle des travailleurs), il décrit aussi la lente germination d'un nouveau monde au rythme du vacillement de l'ancien. C’est un point que Claude Berri n’a pas su démontrer, à mon sens, avec assez de finesse et d’insistance. Pour ma part, je trouve que le film reste assez plat, trop « collé » à l’œuvre du 13ème volume des Rougon-Macquart. Il aurait été intéressant, au niveau des plans, de faire de lents travellings montrant les mineurs lors de leurs descentes à la mine, leurs habits de travail tâchés, souillés, leurs faces noircies par le charbon, leurs visages de tristesse, de peur, de lassitude...
Néanmoins, dans tout le film, on voit clairement vivre ce monde souterrain, en éclipse totale et permanente. On le voit travailler dans l’ombre, délaissé de tous et oublié de la société. Il faut noter que nous avons plusieurs angles de vues de la mine, mais dans tous les cas, il fait mauvais temps. Sauf le jour d’une fête de village, un jour sans travail…
Le spectateur est donc soumis, dans le film, à une véritable initiation : celle de la descente aux enfers et de la vision hallucinante des travailleurs. Il faut savoir qu’Emile Zola est vraiment descendu dans les mines, qu’il est allé voir le travail des ouvriers, qu’il a vécu avec eux dans une immersion totale.
Enfin, le film traite du thème de la lutte, du combat collectif pour les droits, les valeurs, le respect, et la justice. Cri de révolte et « acte progressiste », le film est garant d’une sombre beauté, d’une force inquiétante et hélas, est encore de nos jours d’une cruelle actualité à travers le monde, dans des territoires plus ou moins éloignés !
Le film de Berri n’innove pas. Fidèle au roman (une façon de nous renvoyer à sa lecture ?), il porte à l’écran un chef-d’œuvre de la littérature française pour le plus grand plaisir de tous, et ce grâce à une « transposition visuelle » du dur labeur et de la sueur noire des mineurs de la seconde révolution industrielle.
Clément