Les TLA font leur cinoche
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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 10:00

The Angels' Share – La Part des Anges – Ken Loach

 

            Le début de ce long-métrage, dans un tribunal, suggère un drame social, dur, poignant, comme en témoigne la scène d'ouverture au sein d'un tribunal où nous sont présentés, par une succession de plans fixes, les différents protagonistes - petits délinquants de Glasgow jugés en comparution immédiate - qui échappent tous à la prison de justesse, et écopent de peines de travaux d'intérêt général. Et même si le film ne se revendique effectivement pas, comme un drame, il n'en reste pas moins si naturaliste et ancré dans le réel qu'on ne peut ne pas y voir une critique acerbe de la société et de ses laissés-pour-compte. Ken Loach dénonce la malédiction de la pauvreté, exacerbée par la crise. Toutefois, il évite sermons assommants et misérabilisme. Dès la deuxième séquence, qui met en scène un échange désopilant, par haut-parleur interposé, entre l’un de ces délinquants quelque peu alcoolisé et un chef de gare inquiet pour sa sécurité, le ton est donné : le décalage humoristique de la comédie est de mise et le spectateur, pris d'une soudaine empathie, ne peut que s'attacher immédiatement aux personnages et à l’histoire. Entre humour et gravité, l'équilibre est parfait.


 

 

 

 

           Parmi les délinquants, l'action se scelle autour du destin de Robbie (Paul Brannigan), visage balafré, jogging flottant, une vingtaine d'années. Sous l'influence de cocaïne, dans un accès de violence, il a démoli un inconnu, le jeune homme est resté handicapé à vie, aveugle d'un œil. En sortant du tribunal, sa petite amie, Leonie (Siobhan Reilly), enceinte de leur futur fils, Luke, lui demande de se ranger pour faire face à la responsabilité qui l’attend : être père. Mais Robbie, qui aspire à une vie de famille tranquille, est rattrapé par la spirale de violence et de délinquance dans laquelle il s'est enferré. En effet, un jeune caïd hargneux, qu'on apprend ensuite être l'ennemi du protagoniste, lui profère des menaces de mort. Face à l'incompréhension de sa copine, ce dernier explique ne pas connaître la raison de cette rivalité, digne de celle qui sépare Montaigu et Capulet : « Nos pères se battaient déjà à l'école. ». Et pour ne rien arranger, le père et les oncles de Léonie, qui vient d'un milieu plus aisé que celui du jeune chômeur Ecossais, s'appliquent par tous les moyens - « cassage de gueule » devant la chambre de la maternité compris - à l'éloigner de la seule raison qui le tienne encore dans le désir de sauver sa modeste vie : l'amour de sa petite amie et de son fils. La situation paraît - à juste titre – inextricable, mais cela serait sans compter sur les miracles que peuvent réaliser les rencontres. Car, avant tout, ce film est l'histoire d'une rencontre, qui a lieu dans le cadre du programme de réinsertion de travaux d'intérêt général, pendant laquelle se croisent au destin de Robbie ceux d'un gentil rustre nommé Rhino (William Ruane), d'un ahuri désopilant qui répond au nom d'Albert (Gary Maitland) et d'une kleptomane assez extraordinaire surnommée Mo (Jasmin Riggins). Grâce à l'éducateur quinquagénaire Harry (John Henshaw) dont l'engagement dépasse le cadre de son métier, vont former la « dream team », certes un brin bohème et marginale, mais non moins délicieusement émouvante et attachante. Harry, fervent amateur de whisky, leur propose de visiter une distillerie, puis d’assister à une dégustation. C'est à cette occasion qu'est révélée la qualité exceptionnelle du « nez » de Robbie qui se découvre un vrai talent de dégustateur de whisky et se met à étudier les secrets du breuvage. Bientôt capable d’identifier les cuvées les plus exceptionnelles, les plus chères, il est repéré par Thaddeus (Roger Allam), un courtier paraissant intéressé par ce don. Le spectateur frémit un instant, craignant une noble reconversion dans le monde huppé des collectionneurs, issue qui serait un peu facile et décevante. Cependant ses inquiétudes ne s'éternisent pas, car Robbie a une tout autre idée en tête et, certes la méthode n'est pas des plus honnêtes, mais elle est ironiquement jubilatoire. Son ascension sociale, c'est un ultime acte de délinquance qui la lui offrira, en lui ouvrant les portes de la haute société. Avec l'aide de sa « dream team », il organise le braquage du whisky le plus mémorable de toute l'histoire des distilleries irlandaises, le fût qu'ils désirent siphonner ayant une valeur de plus d'un million de Livres Sterling.  Après leur périple dans les Highlands en kilts (préférés aux costumes de ville dans lesquels ils n'auraient jamais pu être crédibles), parviendront-ils à obtenir leur part du gâteau ? Ou plutôt la part des anges, de ces anges délaissés de la société, la part que personne ne boira jamais. Dans le jargon de la distillerie, la part des anges est la partie du volume de whisky qui s'évapore du fût pendant son vieillissement. Vouloir offrir un sens propre à cette expression, voilà toute l'élégance de Ken Loach. On admirera également le talent des acteurs (les jeunes comédiens ne sont pas professionnels), de par leur verve et leur naturel. Une véritable découverte, qui n'a rien à envier à celle du titre "I'm Gonna Be (500 Miles)" du groupe The Proclaimers, qui rythme à merveille l'expédition des protagonistes.

 

 

 

 

Maud

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