Les TLA font leur cinoche
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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 10:00

Les citronniers

  (Eran Riklis en 2008)

 

 

 

 

 

Voici l'histoire d'une femme qui a consacré sa vie à sa plantation de citronniers avec un amour inconditionnel. Histoire qui peut paraître sans intérêt, n'est-ce pas? Pas si l'on s'intéresse au contexte de ce film très touchant, et riche en émotions.

 

Bienvenue en Palestine, et plus particulièrement à quelques mètres de la frontière palestino-israélienne, là où Salma Zidane , veuve et mère d'un fils parti travailler aux Etats-Unis et d'une fille désormais mariée, réside et s'occupe de ses arbres. Vie solitaire mais tranquille jusqu’alors, elle a bientôt pour compagnie de nouveaux voisins, le Ministre de la Défense d’Israël et sa femme Mira. Les relations de voisinage s’avèrent tout de suite difficiles, même si dans le déroulement de l’histoire s’esquisse un rapprochement avec la femme du ministre.

 

En effet, et hélas pour elle, le conflit israélo-palestinien s’immisce encore plus directement dans la vie de Salma : ses arbres représentent désormais un danger potentiel pour le ministre et son épouse ! Ses citronniers sont susceptibles de devenir une cachette idéale pour des terroristes au service de la cause palestinienne. Les services de sécurité ordonnent de détruire la plantation. Bouleversée, Salma Zidane va mener une lutte acharnée pour la sauvegarde de son patrimoine.

 

De cette situation, la réalisateur a réussi à extraire et à traiter plusieurs aspects importants et complémentaires. Le dilemme paraît compliqué. Doit-on et peut-on sacrifier une propriété individuelle pour protéger une patrie et son Ministre de la Défense ? Ou encore, doit-on et peut-on au contraire la sauvegarder aux dépens de cette même patrie et de la sécurité de l'homme de pouvoir? Question qui se pose tout au long du film...

 

A cela, s’ajoute un second point : c’est de la vie du ministre et de sa femme dont on se soucie, et aucunement de celle de Salma. Elle aussi est mise en danger par la situation. Ce film serait-il un questionnement sur les rapports sociaux autant que sur les relations géopolitiques de cette region du monde ? Les forts contre les faibles ? Il semble même naturel de se demander si les citronniers ne sont pas une métaphore des êtres humains sacrifiés au nom du pouvoir, au nom des pouvoirs. La situation aurait-elle été aussi dramatique si le voisin n’avait pas été ministre ? Et puisqu’il est ministre, ne peut-il faire quelque chose pour les arbres de Salma ? Dans tous les cas, si l’héroïne doit apparaître victorieuse, ce ne sera pas grâce à cet éventuel pouvoir, mais grâce à sa détermination et à son courage!

 

Dans ce film, le spectateur aura plus tendance à prendre le parti de Salma que celui du Ministre de la Défense puisque la dimension émotionnelle parcourt le portrait de cette femme. L’ opposition entre ces deux personnages est forte. Reste Mira, la femme du ministre, qui ne semble pas adhérer entièrement aux décisions de son mari, et qui , de façon ambigüe, est préoccupée par sa voisine en difficulté. "Femme du Ministre", elle n'a pas le pouvoir. Est-ce la raison pour laquelle elle paraît plus humaine que son mari ? Aurait-elle un pouvoir de persuasion sur son mari qui permettrait de faire évoluer positivement la situation ? Mais à qui s’adresse Mira ? A son mari ou à l’homme de pouvoir ? Toutes ces questions sont sous-jacentes et récurrentes tout le long du film.

 

Un autre intérêt du film porte plus sur son traitement des préjugés, comme par exemple ceux qui conduisent à la soumission de la femme dans des sociétés dominées par les hommes. Salma porte son foulard, indicateur religieux et social, à chaque fois qu'elle est au contact de l'extérieur, et même chez elle lorsque son avocat Ziad Laoud vient s'entretenir avec elle au sujet de l'affaire. De plus, le fait qu'elle puisse avoir une relation éventuelle avec lui est fortement stigmatisé, mal vu par son entourage; les principes moraux s’appliquent au quotidien. Parallèlement, Mira, représente la femme “moderne” et dans son époque ; son allure, ses occupations, son langage…tout le prouve ! Et pourtant, elle demeure " femme de ministre", et est contrainte d’accepter les décisions de ce dernier. L’histoire de Salma ne lui renvoie-t-elle pas les limites de son apparente liberté de femme ? C’est en quittant son mari et en abandonnant son statut qu’elle finira pas gagner sa liberté comme Salma la gagne par son combat determiné.

 

Enfin, les médias sont omniprésents dans ce film. Des médias qui participent à l'évolution de l'affaire, à sa diffusion, à sa mise en scène… Enjeux politiques contre liberté individuelle ! Cette affaire politique transformée en affaire de justice est portée à la connaissance de l’opinion publique. Les personnages impliqués dans l’affaire ont recours à eux. Mais où se situe le vrai combat et où se trouve la vraie parole libre ?

 

Donc pour conclure, beaucoup de points sur ce film peuvent être intéressants à relever. Ce film est riche. Les décors peu variés, et le rythme parfois lent peuvent un peu décontenancer le spectateur. Mais, n’est-ce pas là une façon de montrer à quel point cette lutte a été longue, harassante et pénible pour le personnage principal, et au-delà, pour les autres protagonistes ? De ce point de vue, le film doit-il plaire ou peut-il déplaire au spectateur ? Tout dépend de ses attentes et de sa perception du film.

 

Je pense que cette histoire de combat individuel est originale en soi. Avec pour toile de fond la complexité du conflit israélo-arabe, elle nous mène vers des directions diverses et complémentaires : morale, culturelle, religieuse, politique... humaine ! Si l’on suit ces directions, le film apparaîtra comme réussi. Si l’on recherche autre chose, il apparaîtra beaucoup moins bon, voire dérangeant.

 

 

Samantha.

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