Les TLA font leur cinoche
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24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 10:00

 

Le Troisième homme

 


 

Harry Lime

 


 

 Au début du Troisième homme, « Harry Lime » n'est que le nom d'un homme décédé après avoir été renversé devant son immeuble par une voiture conduite par son propre chauffeur, en présence de trois de ses amis. Simple victime d'un fait divers, son destin est déjà scellé et  il n'est – comme tous ces corps inertes que l'on découvre dans les incipit de romans policiers ou dans les scènes d'exposition de films noirs – qu'un prétexte pour mener une enquête sur les circonstances de sa mort. C'est alors son vieil ami Holly Martins qui, ne pouvant se résigner à croire à l'hypothèse de l'accident et présumant un assassinat, se met en quête de la vérité et endosse alors le rôle du détective, héroïque par son sens élevé de la morale et de la justice.


 

 Néanmoins, cette vertu remarquable d'un héros idéalisé est bien moins séduisante que la personnalité hors du commun, complexe et ambiguë du fameux « troisième homme », le troisième à avoir porté le corps de la victime, mystérieusement disparu sans avoir déposé auprès de la police après les faits. Renversement de situation, ce « troisième homme » s'avère en fait être Harry Lime, ni « au ciel » ni « aux enfers » – remarque du portier qui déjà nous laissait entrevoir  l'ambivalence de sa personnalité – mais bien vivant et intriguant le spectateur par ses apparitions fantomatiques entre ombre et lumière et ses déambulations dans les égouts de la ville présageant déjà son exceptionnelle noirceur et sa psychologie alambiquée. Son immoralité et sa monstruosité répugnent le spectateur : Il n'a pas hésité à sacrifier la vie d'un homme pour mettre en scène sa propre mort et ainsi échapper à la peine qu'il encourait pour avoir revendu à un prix exorbitant au marché noir de la pénicilline diluée ayant causé la mort de malades qui n'ont pas reçu la dose leur  nécessaire. Il obéit à une idéologie fondée sur le profit, justifiant par exemple ses actes par le seul mobile de l'argent, « non imposable », comme il l'ajoute avec cynisme. Est également empreinte  de cynisme sa réflexion, presque métaphysique, du haut d'une grande roue, sur les humains en bas, qu'il compare à « des petits points » insignifiants et méprisables. C'est peut-être ce mépris de l'autre qui l'a mené là. Il n'aide pas sa maîtresse menacée de renvoi en Tchécoslovaquie, à qui il avait pourtant fourni des faux-papiers et un doute plane, peut-être aurait-il été jusqu'à la dénoncer pour obtenir la protection des Russes. Le peu d'humanité qui subsiste en lui deviendra sa faille et le mènera à sa perte : son amitié pour Holly, le seul homme qu'il veuille revoir.


 

 Face à ce héros qui nous amène à réfléchir sur la complexité de l'âme humaine, nous nous trouvons partagés entre une haine envers cette inhumanité inqualifiable et une attirance presque physique – à l'instar de ce chat qui l'adore ou d'Anna qui lui reste aveuglément dévouée – pour cet homme incarné par Orson Welles qui lui offre une prestance et un charisme envoûtants.

           

 Pour conclure, peut-être Harry a-t-il conscience d'être un héros de chef d’œuvre. Lorsqu'il affirme, toujours dans la scène de la grande roue : « L’Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage... Mais ça a donné Michel-Ange, Vinci  et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? ... Le coucou ! », nous ne pouvons qu'admettre que son incroyable malfaisance en fait un héros inoubliable, d'une œuvre grandiose.

 

 

Maud

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